dimanche 26 avril 2009

7-Une époque de grandes opportunités

PAUL G. MAGLOIRE – PROSPECTIVES

Construisons Ensemble un État Démocratique, Moderne et Prospère


7-Une époque de grandes opportunités

Avec les nombreux scandales qui apparaissent ces derniers temps, surtout dans le secteur de la justice, les pessimistes pensent que le pays marche très rapidement sur le chemin de l’autodestruction. Cette impression est renforcée d’autant plus que le pays n’était pas du tout préparé à l’impact de la crise économique mondiale qui pourrait continuer pour au moins 2010 avec son cortège de chômage et de réduction du pouvoir d’achat des couches les plus défavorisées. Pourtant, aucun effort sérieux n’est entrepris jusqu'à présent même pour tenter de sortir du schéma de ces 20 dernières années. En effet, nous produisons moins de la moitié des biens et services que nous consommons, le budget national dépend à 60% de l’aide internationale et les transferts des Haitiens de la diaspora représentent plus de 36% de l’économie. En plus de cela, les chefs de notre gouvernement gagnent plus, en un jour, que la moyenne de nos travailleurs gagne en une année, sans qu’ils aient pourtant le sens qu’ils doivent fournir des résultats positifs pour justifier leurs chèques mensuels et leurs frais exorbitants. De façon immorale, ils vous diront tout simplement, « ils ne peuvent tirer du sang de la pierre ». Raison de se demander, depuis quand le peuple haïtien forçait des individus incapables et mal disposés à prendre des positions de responsabilité. Malgré une telle image, je persiste à me ranger parmi les optimistes qui continuent de croire que tout n’est pas perdu pour nous ; Haiti pourrait encore avoir sa chance, en transformant ces moments difficiles en opportunités. L’un des facteurs pour la réussite dans ce domaine serait un effort pour prendre avantage du programme de relance économique du président des Etats-Unis, Barack Obama, qui envisage la réduction de la dépendance de la région du pétrole contrôlé par un cartel de profiteurs. Un autre serait la réforme en profondeur des structures de l’État haïtien, en passant par la révision constitutionnelle. Un troisième est, pour le répéter une fois encore, l’engagement des jeunes du pays et de la diaspora dans un effort national qui vise à solutionner les grands problèmes du pays, tels que la création de petites entreprises pour générer de l’emploi pour d’autres jeunes comme eux ; participer à tous les niveaux à l’effort pour établir l’éducation universelle et enfin accompagner les mairies dans une campagne visant la reforestation du pays.

Les opportunités ont un prix

Le dernier Sommet du groupe des 20 pays (G20) qui représentent 86% de l’économie mondiale, a pris place à Londres, en Angleterre, du 1 au 2 avril écoulé. Le Sommet a été un grand succès, au moins, pour le nouveau président américain, Barack Obama. Car, si les espoirs de la France et de l’Allemagne que le Sommet allait servir pour une réforme en profondeur du système financier international ne se sont pas matérialisés, la première grande rencontre de M. Obama sur la scène mondiale a été très remarquée. Les aspects qui nous intéressent, en premier chef, en tant que Pays Moins Avancé, (PMA), dans le succès du President Obama, lors du Sommet des G20, sont de deux ordres. Dans le premier cas, le Groupe des G20 s’est engagé à investir un trillion de dollars, à travers le Fond Monétaire International, pour soutenir les PMA. Dans le second cas, les Etats-Unis et l’Angleterre envisagent de lancer un programme, avec des fonds adéquats, pour assurer que tous les enfants des pays pauvres aient accès à l’éducation de base, dans les 10 prochaines années.

Ce sont là des projets nobles et ambitieux dans une période de crise économique qui forcent ces mêmes pays à des restrictions budgétaires. Mais, la formulation de tels programmes montre qu’ils sont prédisposés à adresser le problème du manque de financement pour l’investissement dans les PMA et créer un climat qui serait favorable aux pays qui envisageraient un programme national visant l’éducation universelle.

Mais, l’expérience nous a appris que l’agenda des pays riches en faveur des pauvres a toujours été conditionnel. Car, les relations, même entre les pays amis, sont basées sur des intérêts mutuels. Par exemple, l’arrivée du President Obama au pouvoir n’a pas changé les intérêts des Etats-Unis en Haiti. Washington est toujours soucieux que la situation en Haiti soit en ligne avec la possibilité de freiner l’immigration illégale, que le trafic de la drogue soit sous contrôle et que le pays ne servirait pas de plateforme pour des activités à caractère terroriste visant les Etats-Unis. Compte tenu que ces objectifs peuvent mieux se réaliser dans un cadre démocratique et de progrès économique et requièrent aussi la stabilité politique, un effort en ce sens est aussi largement supporté.

Avec la préoccupation du Président américain de sortir les Etats-Unis de la récession et d’éviter une dépression économique à son pays, un autre facteur qui apparaissait déjà depuis le gouvernement Bush, prend maintenant une prépondérance dans les relations entre Washington et les pays de la région. Il s’agit de la dépendance du pétrole dont les prix très élevés ont largement contribué à intensifier la crise financière internationale née de la débâcle des hypothèques subprimes. D’après l’ancien Président Bill Clinton, cette crise aurait couté, dans deux années, près de 32 trillions de dollars à l’économie mondiale. Car, chaque $50 ajouté sur un baril de pétrole représente $200 par mois, par famille, aux Etats-Unis. Donc, il est difficile de prévoir une relance économique en 2010 si entretemps le baril de pétrole serait au-dessus de $90. Donc, Président Obama croit que la production des énergies renouvelables est une priorité pour les Etats-Unis et ses alliés dans la région. Ainsi, l’agenda du Cinquième Sommet des Amériques du 17 au 19 Avril prochain, à Port d’Espagne, capitale de Trinidad-et-Tobago, inclut de discuter de la sécurité énergétique dans la région, avec le support des Etats-Unis, à partir de la production des énergies renouvelables. Ce sera la première visite du Président Obama dans la région.

Voir l’article : HAITI ET LA CRISE FINANCIERE MONDIALE-1

L’effort du gouvernement américain n’a pas échappé au Président vénézuélien, Hugo Chavez, dont le pays est un grand producteur de pétrole et un membre du cartel des pays exportateurs de pétrole, (OPEP). La politique pétrolière du Président Chavez est en directe contradiction avec les objectifs du Président Obama. En effet, le Venezuela a un pétrole très lourd et la production est coûteuse. Ensuite, l’économie vénézuélienne est très peu diversifiée et dépend, pour tenir, d’un prix de pétrole élevé. Donc, si les prix restent à un niveau très bas, l’économie du Venezuela va souffrir et M. Chavez pourrait payer le coût politique d’une telle situation. C’est ainsi qu’il faut comprendre pourquoi le President vénézuélien lança récemment une violente attaque verbale contre M. Obama, disant qu’il est ignare et stupide. M. Chavez déclara que M. Obama l’accuse d’être un terroriste et qu’il bloque le développement économique de la région. Il faudrait analyser le rôle de l’accord Petrocaribe et de l’accord Alba, patronné par M. Chavez, pour se faire une idée de la valeur de ces déclarations.

Le gouvernement haïtien n’a jamais articulé de façon transparente, les intérêts de notre pays dans ses relations avec les Etats-Unis. Il n’est pas clair sur quel principe nos autorités se basent pour croire que l’aide internationale pourrait continuer à venir, à une époque où les bailleurs de fonds ont leurs propres difficultés ? Mais, il semblerait, que certaines considérations sont données maintenant aux énergies renouvelables, surtout à la production du biodiesel. Par exemple, le 2 Avril dernier, la FOKAL a accueilli le Dr. Marc Parnoff, un spécialiste américain, pour une conférence qui mettait l’accent sur l’impact extraordinaire que la production des biocarburants pourrait avoir sur l’économie du pays en facilitant une certaine indépendance par rapport à l’économie du pétrole. Est-ce le reflet d’une certaine préoccupation en haut lieu, ou tout simplement une petite initiative qui pourrait être mentionnée dans le portfolio de l’équipe qui doit voyager à Washington, prochainement, pour discuter de l’aide que Haiti attend des bailleurs de fonds avec le support des Etats-Unis ? Nous sommes restés des « marrons », même à une époque où le pays serait mieux desservi par une politique étrangère transparente et engagée.

« L’année de tous les dangers »

Le pays doit traverser, dans les mois à venir, plusieurs étapes qui, chacune renferme le potentiel de nous jeter dans une crise. Parmi les étapes prévisibles, il faut ranger la rencontre de Washington entre les autorités haïtiennes et les bailleurs de fonds internationaux qui supportent le pays.

Le grand sujet de l’actualité, ces derniers jours, est la réduction probable de l’aide directe que la communauté internationale offre à Haiti et la rencontre des bailleurs de fonds et des autorités haïtiennes dans la capitale américaine, Washington DC, nous fera savoir le niveau des fonds qui seront mis à notre disposition. Cela était tellement prévisible qu’il parait totalement navrant que le gouvernement n’ait pas préparé le pays à une telle éventualité. Tout au contraire, ceux qui nous gouvernent se sont appuyés sur des prévisions budgétaires assez fantaisistes et miser sur des rentrées totalement illusoires, tant sur le plan local que sur le plan international, comparées à la réalité.

Les résultats de la rencontre détermineront, en effet, si le gouvernement a les moyens de maintenir un budget de 80 milliards de gourdes ou tout simplement ce budget devra être ramené à un niveau soutenable sur le plan de la gestion de la chose publique ; mais, il ne sera pas soutenable sur le plan politique. Car, je doute fort que, comme au temps de Duvalier père, les employés de l’administration publique vont s’habituer à recevoir leur salaire parfois, au lieu de toucher régulièrement chaque mois. Bien sûr, la Banque Centrale pourrait venir à la rescousse en imprimant des gourdes à volonté afin de permettre au gouvernement de payer ses obligations. Conséquemment, la valeur de la gourde va chuter et le prix des biens importés vont augmenter, créant une tendance inflationniste et encore plus de misère pour la population.

La Prochaine Échéance

Le 19 avril ce sera le déroulement des élections pour 12 sénateurs de la république. En effet, depuis les élections de novembre 1987 qui avaient pris fin avec le massacre de la Ruelle Vaillant, on n’a pas vu des élections soulevant autant de questions et de peur. La première question est de savoir si les élections vont avoir lieu, du fait que le Conseil Electoral Provisoire a écarté les candidats du Parti Fanmi Lavalas sur la base qu’ils ne répondaient pas aux normes prévues par les statuts du parti et par la loi électorale. Il y a une grande peur que ces élections dégénèrent en violence jusqu'à leur avortement, selon le modèle de novembre 1987. Mais, les probabilités en faveur d’un tel scenario sont très faibles. Car, les décideurs de Fanmi Lavalas, j’imagine, n’ont pas intérêt à se voir associés, de près ou de loin, à une violence dirigée contre la tenue des élections qui pourrait saper leur légitimité comme parti politique démocratique et renforcer les ambigüités sur leur capacité à se mobiliser pour conduire un boycottage du vote, de façon pacifique. Car, le parti a projeté, durant cette conjoncture, une image de division et n’est pas en train de suivre une stratégie unique. De l’autre, la communauté internationale dont les forces de la MINUSTHA représentent la composante principale de la sécurité du pays, perdrait en crédibilité si ces élections échouaient.

Cependant, compte tenu du fait que les lavalassiens ne sont pas les seuls qui seront perdants dans la réussite de ces élections, il faut croire que même un vote réussi sera très loin d’être la fin de l’histoire. Car, considérons, éventuellement, l’origine politique des sénateurs qui sortiront de ces élections. Dans le pire des cas, imaginons que la majorité des gagnants soient des candidats qui sont identifiés proches du pouvoir en place. Les autres partis et toutes tendances confondues, bien sûr, vont dénoncer que les élections étaient un piège à rats afin de permettre au pouvoir de remporter une majorité potentielle au Sénat. Car, il est visible que les candidats proches du pouvoir ont de vastes moyens à leur disposition, pendant que les autres triment pour mener leur campagne. Ce fait donnera de la légitimité à toute revendication et mouvement pour empêcher aux sénateurs sortis des élections d’être ratifiés par leurs pairs afin qu’ils puissent entrer en fonction. On a vu un scenario pareil à l’œuvre en 2000 qui avait entrainé le pays dans une crise avec les conséquences que l’on sait. Il faut seulement 3 sénateurs sur les 18 en fonction, sur les 30 composants l’Assemblée, pour infirmer toute possibilité d’obtenir un quorum pour tenir une séance au Sénat de la République.

Haïti est un pays où les crises annoncées arrivent, comme si nous étions hantés par le démon de l’autodestruction. Car, on peut considérer un cas extraordinaire où cette crise pourrait être évitée. Ce serait pour les partis qui ne sont pas en ligne avec le gouvernement de remporter une majorité des sièges. Cela n’est pas du tout probable dans l’état du déroulement des élections, où même un effort minimum n’a pas été fait pour financer, officiellement, les partis. Un esprit rationnel sait que le hasard ne fait pas bien les choses. Il faut de préférence la volonté politique de faire avancer le processus démocratique dont les élections qui renforcent les institutions servent à marquer des étapes importantes. De toute façon, si nous arrivons à traverser cette étape sans entrer dans une de ces grandes crises dont nous avons l’habitude, le prochain enjeu pourrait être la révision constitutionnelle.
La bonne gouvernance et la manie des commissions
Si chaque problème que le pays confrontait pouvait être solutionné par une commission présidentielle, on pourrait faire l’économie d’un Cabinet Ministériel large et couteux et régler les choses de la république avec des commissions ad-hoc qui se multiplieraient au gré du Président de la République.
On pourrait crier à l’hypocrisie quand personnellement, en tant que conseiller spécial du gouvernement, j’ai organisé et coordonné plusieurs Commissions d’État. A l’époque, les critiques disaient, que ces commissions incluaient tellement de secteurs, qu’à la fin il n’y aurait pas un secteur du pays qui ne ferait pas partie du gouvernement, par commission interposée. Donc, quelle est vraiment la différence avec ce qui se passe maintenant? Il faut souligner les trois points suivants :
Le premier est le fait que le gouvernement intérimaire était une autorité de facto qui ne bénéficiait pas de la légitimité que donne une élection. Ainsi, si sa première mission était d’organiser des élections pour assurer le retour à l’ordre démocratique, il fallait alors un consensus pour diriger le pays en dehors des cadres constitutionnels et en absence d’un parlement. Car, pas mal de secteurs ne reconnaissaient pas l’Accord du 4 Avril 2004 qui servait de base au gouvernement intérimaire. Et quand cet accord arriva à expiration avant les élections de 2006, j’ai du réunir une dernière commission dans le but d’avoir un consensus plus large pour organiser les élections malgré tout. C’était la Commission de Garantie Électorale. Est-ce que ce genre d’exercice aurait été acceptable en dehors des circonstances spéciales que nous traversions et les efforts qui visaient uniquement à éviter le chaos et assurer l’avènement d’un gouvernement constitutionnel. La plupart des commissions qui ont été créées durant cette époque doivent être vues dans cette optique.
Le deuxième ne vise pas à dire que l’exécutif, en la personne du Président qui a reçu le vote populaire n’aurait pas le droit de créer des commissions. Bien au contraire. Ce qui mérite d’être souligné, c’est la qualité de la mission de ces commissions. Si je prends, le cas de la commission sur la Constitution dirigée par, mon ami, le Professeur Claude Moise. Elle a pour mission, dans le cours d’une année, de préparer une proposition sur la révision de la Constitution, ou du moins pour sa « réforme » selon la déclaration de M. Préval lors de la cérémonie d’installation. Est-ce que le Président n’était pas satisfait de la première proposition que Claude Moise avait préparée sur sa demande ? Est-ce que Président Préval n’aurait pas dû, tout simplement, envoyer cette proposition au parlement et fournir, s’il y a lieu, les ressources pour que le travail soit entamé par les élus que le peuple a choisis dans les mêmes élections qui ont amené M. Préval au pouvoir ? D’où vient cette manie de gaspiller les ressources du pays, ou ce spectacle est juste pour dire que M. Préval ne vise plus à changer la Constitution, mais plutôt à le réviser, selon le processus prévu dans cette même Constitution.
Le troisième point, et le plus important aussi, est la mission assignée aux commissions. Ils n’ont pas à adopter des solutions pour corriger des problèmes ou à prendre des décisions qui pourraient améliorer la vie de la communauté. Leur rôle est de présenter au Président des rapports qui, l’on devine, seront ensuite tout bonnement envoyés aux oubliettes. On connaît la routine. Durant la période intérimaire, les commissions, par respect pour leurs membres, avaient un budget et une mission d’exécution. L’une d’elles qui avait été créée sur les suggestions du Professeur Moise et dirigée par le Professeur Leslie Manigat et assisté d’une liste d’intellectuels de haut calibre, avait la mission de renouveler la promesse du gouvernement intérimaire vis-à-vis des communes du pays et de jeter les bases pour la décentralisation. Un travail que l’équipe a réalisé de façon magistrale et avec pompe et prestige.
Ce qui me donne à réfléchir, ce sont les conclusions qui avaient été tirées d’une série que j’avais préparée à la Voix de l’Amérique, en 1992. L’invité principale à cette série était le professeur Claude Moise. Cette série avait expliqué que le plus grand problème du pays, est la politique, sinon la façon dont nous la pratiquons. Professeur Moise, il me semble, croyait à l’époque qu’un gouvernement en Haiti passe par trois phases. La première est la prise du pouvoir, où on peut déceler un peu d’idéal et un peu de sens du pays dans le discours et les actes. La deuxième phase commence très vite après. Le gouvernement commence à jouir du pouvoir, s’enrichissant grâce au trésor public et la corruption. Ce qui va amener la confrontation avec l’opposition qui n’est pas invitée à la table et qui n’a pas les moyens de survivre jusqu'à la fin du mandat du gouvernement en place. Donc, la confrontation commence et arrive jusqu'à l’affrontement. La violence qui en découle donne l’assurance aux feudataires du pouvoir d’être poursuivis et d’aller en prison à la fin du régime. Ce qui entraine une troisième phase du gouvernement qui cherche à garder le pouvoir directement ou par personne interposée. Dans le cas, ou le chef d’état voudrait garder le pouvoir au-delà de son mandat, il est acculé à changer la constitution. Car, les Constitutions Haïtiennes, sur lesquelles Claude Moise a beaucoup écrit, représentent toujours une barrière pour les petits dictateurs du pays qui cherchent à perdurer au pouvoir. C’est dans un tel contexte que débutent nos petites révolutions qui renversent le régime et le « cirque » recommence son spectacle.
Malgré la cohérence de la théorie du Professeur Moise, je pensais que c’était du temps perdu de chercher à changer la façon dont nous faisons la politique dans le pays. Car, la misère du pays aurait une tendance à faire de la politique comme un jeu de coquins et de misérables. Je croyais plutôt qu’il fallait changer l’environnement économique afin de transformer la politique. Donc, j’ai continué mon effort pour voir comment on pourrait moderniser l’environnement économique, créer des entreprises avec un sens social de façon à stimuler l’émergence d’une classe moyenne. Car, la démocratie parlementaire et participative est un phénomène lié à la classe moyenne.
Cependant, quand certaines circonstances m’ont entrainé à devenir le conseiller spécial du gouvernement intérimaire, Professeur Claude Moise a été un conseiller bénévole et il nous a guidé sur la meilleure façon de créer un gouvernement participatif en utilisant les commissions. Grâce à ses conseils judicieux, à plusieurs niveaux, nous avons pu éviter des dérives et des erreurs qui auraient pu nous rendre prisonniers du pouvoir. Ainsi, quand je vois Professeur Moise à la tête de la Commission sur la Constitution, je veux croire que c’est une garantie pour le processus démocratique dans le pays et un garde-fou contre toute velléité dictatoriale du gouvernement en place.
Dédier sa vie à quelque chose de plus grand que soi-même
Ce n’est pas parce que nous sommes un petit pays que nous ne devons pas avoir un grand sens de la dignité nationale. Comment peut-on parler de dignité quand le pays vit de la mendicité internationale. Nous n’avons pas les moyens d’assurer notre propre sécurité et nous passons beaucoup de temps à nous quereller sur des problèmes que de simples compromis nous auraient permis de résoudre. Chaque année nous devenons plus dépendants encore et il semble que nous sommes confortables avec la situation.
Un de mes anciens professeurs, feu René Philoctète, aimait répéter une phrase qu’il dit avoir entendu de l’un de ses propres maîtres : M. Louis Roumer. Monsieur Roumer lui avait dit « Si les jeunes d’un pays ne veulent pas consacrer leur vie à quelque chose de plus grand qu’eux-mêmes, ce pays est appelé à dépérir jusqu'à disparaître. » En fait, il existe beaucoup de jeunes dans le pays et dans la diaspora qui pensent que le temps est venu pour qu’ils assurent la relève et sont frustrés que le pays ne fasse pas appel encore à eux. A la vérité, c’est avec l’engagement de ces jeunes que le pays peut éviter de disparaître. Tout parait si sombre !
Il ne faut pas attendre trop avant d’engager les jeunes qui ont reçu une formation au niveau du terminal secondaire, grâce à des formations courtes et un financement approprié. Ils peuvent avoir la responsabilité de lancer les programmes de production et de création d’un réseau de services modernes dans les secteurs prioritaires dans le cadre de la décentralisation du pays. Les programmes de formations à envisager pourraient couvrir les méthodes de création de projet et les techniques de gestion, de maintien d’équipements agricoles et de construction qui seront gérés par des consortiums mixtes régionaux avec des filiales communales et une large participation salariale. Ce sont ces jeunes techniciens qui pourraient encadrer, également, les exploitations de production agricole, forer les puits et tracer les canaux d’irrigation. Ils peuvent contribuer, après une courte formation dans la sélection des semences et du contrôle phytosanitaire des pépinières et des cultures en appuyant les agriculteurs à travers le pays ou en devenant les membres dirigeants des coopératives de production et de transformation agricoles.
L’Union Européenne a déjà initié, de façon modeste, un programme similaire visant la formation de dizaines de jeunes entrepreneurs dans le secteur agricole. Donc, si nous voulons baisser les prix des produits agricoles sur le marché de façon permanente, atteindre la sécurité alimentaire et résorber le chômage parmi les jeunes des zones rurales et créer une nouvelle classe moyenne formée de cadres et d’entrepreneurs dans les provinces du pays, une telle initiative doit faire partie d’un effort national engageant plusieurs milliers de jeunes hommes et de jeunes filles.
Concentrons-nous sur quelques priorités

En novembre 2004, une rencontre avait été organisée à Oslo, en Norvège par l’ISPOS dirigée par Garaudy Laguerre, entre les partis politiques, tous secteurs confondus et le gouvernement intérimaire, pour encourager une détente entre les forces politiques en présence sur la scène. Tenant compte de la nécessité de concentrer le pays sur les grandes priorités, j’avais proposé la signature d’un accord de principe comme un Avenant à l’Accord du 4 Avril qui pourrait être ratifié par le prochain parlement. Cet ajout à l’Accord établirait que dans les 20 prochaines années, 10% des fonds du trésor public seraient consacrés, de façon obligatoire, à l’éducation universelle, à la reforestation et à la décentralisation, en envisageant le financement direct des mairies. Compte tenu que le nombre des écoles devrait se multiplier avec l’éducation obligatoire des enfants, l’État pourrait aussi supporter la création de réseaux pour la production et la distribution de matériels pédagogiques, en partant du simple mobilier et les instruments scolaires, en passant par les ouvrages scolaires produits par les enseignants du pays, jusqu’aux films éducatifs réalisés par la jeune industrie cinématographique haïtienne. Et les jeunes entrepreneurs devraient être encouragés à créer des petites entreprises dans tous les secteurs. Malheureusement, cette suggestion n’avait pas été retenue, car à l’époque chaque parti politique pensait qu’elle allait gagner les élections et pourrait établir les priorités sur une base partisane.

Mais, aujourd’hui, compte tenu du fait que la crise internationale crée un environnement qui va nous obliger à prendre des décisions extraordinaires pour survivre, ne serait-il pas venu le moment de jeter un coup d’œil sur cette proposition ?
L’éducation fondamentale universelle doit devenir une de nos priorités nationales. C’est un droit humain qui est reconnu par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Nous avons ratifié cette déclaration. Donc, nous ne pouvons pas continuer à violer les droits de ce peuple en laissant perdurer une situation où la majorité des enfants n’ont pas accès à une éducation décente. Car, cette grande partie de la population vit dans une situation deshumanisante. Chaque fois que nous votons une loi budgétaire sans mettre ce principe en application, cela constitue un acte de trahison contre le peuple. Un parlementaire qui vote un tel budget commet aussi un acte de trahison contre le peuple et le pays. Il est temps pour que savoir lire et écrire devienne un acquis qui vient avec le titre de citoyen haïtien. Nous devons explorer cette possibilité avec nos bailleurs de fonds. N’attendons pas que ce soit eux qui nous demandent de le faire.
L’éducation est l’un des droits universels de l’être humain. Donc, il est nécessaire que nous commençons à nous poser la question, à savoir, qu’est-ce qu’il faut faire pour que chaque enfant qui naisse dans ce pays puisse avoir le droit d’aller à l’école ? Combien de salles de classes, combien de professeurs qu’il faudrait et combien cela coûterait pour que ce droit puisse se réaliser ? L’indépendance de notre pays a été réalisée sur la base de l’universalité des droits du citoyen et pourtant nous conduisons les affaires de ce pays dans le mépris total de ces droits universels.
Si nous avons la manie de créer des commissions, donc pourquoi ne pas créer une commission pour étudier dans quel cadre nous pouvons agir pour éliminer cette tare dans notre société. L’enfant est l’avenir de la République. Nous devons prendre soin de notre avenir. Le succès ne peut pas avoir ni de classe ni de genre, si chacun de nous a la même chance au départ. C’est ainsi que se forment les grandes sociétés démocratiques !
Merci
16 Avril 2009

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